La cathédrale De Saint-Pierre

31/03/2022 0 Par Leslie

Dans la catégorie des témoins d’histoire, la cathédrale Notre dame de l’assomption, à
Saint-Pierre, a gagné ses galons de monument refuge, résilient et, en un sens,
inaltérable. On l’a connue chapelle, église et ruine. Cathédrale pour la postérité, elle
partage avec la capitale pierrotine une destinée tumultueuse et singulière, où la
renaissance semble le maître principe.

Petite chapelle deviendra grande


Son histoire est précoce, et intensément liée à celle de l’île, sinon de son quartier. La
fameuse chapelle du Mouillage, dressée dès 1654 par le Père dominicain Boulogne,
accueille déjà tout ce que compte le petit bourg de commerce de fervents catholiques. Très
vite prise dans les vicissitudes de la colonie, elle voit clocher et enceinte grignotés par la
fureur des canons anglais, dès 1667. Les plans la rebâtissent selon le même style
néoclassique. Une croix latine s’inscrit dans le dur, et forme les prémices de la future et
massive cathédrale. En 1694 elle se rebaptise Notre-Dame du Bon Port, protectrice des
marins : près d’un siècle plus tard, elle s’enrichit d’un maître autel de marbre blanc, et, plus
loin encore, d’un clocher flanqué de contreforts puissants.


C’est au milieu du XIXe que se joue sans doute l’acte le plus important de son histoire : une
Bulle Papale vient élever la Martinique en diocèse. La plus haute autorité de l’église sur l’île,
fraîchement nommée, se cherche un siège épiscopal et les travaux de la cathédrale de Fort-
de-France, la sœur concurrente, ne sont pas encore terminés. C’est à Saint-Pierre que
Monseigneur Le Herpeur trouve donc son refuge sacré, en 1853, qui intègre une église au
ventre top plein. On la veut plus grande, plus belle, plus solide.


S’entame un demi-siècle de travaux et de sempiternels retards, d’enrichissements et de
décorations intérieure, tandis que la façade et ses deux tourelles se figent dans le temps,
comme impassibles au fourmillement à l’œuvre dans leurs entrailles.

Des cendres, la renaissance


Au matin de la fureur, elle ne sera pas épargnée, celui-là où la Pelée engouffre en une
poignée de secondes une société entière. Nous sommes à l’aube du 8 mai 1902 : la
population, fervente et joyeuse, se tasse notamment sur les bancs de bois de la Cathédrale.
Le mois de mai est festif, et Saint-Pierre résonne de l’élection à venir. En une explosion
sourde, la vie est balayée, et ne subsiste de la ville qu’un relief de mort, déchiqueté et
fumant. De la cathédrale, se repère pourtant encore les bases de son premier niveau, le
dallage et une partie du parvis.


Près de deux décennies plus loin, de nouvelles énergies se mettent à l’œuvre et rebâtissent
l’église, à l’instar de la commune-phœnix qui s’ébroue. Sur ses ruines, on reconstruit, à
l’instigation d’un certain Victor Depaz et Monseigneur Lequien, dont la volonté et les
ressources, lui rendent une splendeur perdue.


Un style métisse


La cathédrale s’offre au curieux dans un patchwork de cette histoire faite et défaite. En
accumulation de styles et de courants, d’agrandissements en réparations, elle prend
imposante, où les volumes, le fronton et les deux tours la confortent dans son rôle d’église
reine.


Elle déborde pourtant de secrets et d’audace : pour sa reconstruction des années 1930, si
elle semble se parer de roche, c’est bien de béton dont elle s’arme, le matériau de tous les
possibles et de l’architecture paquebot. Plus récemment, elle s’est offerte à la malice de
Victor Anicet qui en réalise les trois vitraux et leurs ode vibrante à la renaissance d’une
société entière. Monument historique depuis 1995, la Cathédrale de Saint-Pierre s’offre,
aujourd’hui une refonte entièrement méritée. Prêtez l’oreille, visiteur, elle vous chuchotera
peut être sa longue, et mouvementée histoire.

MAGAZINE MAISON CREOLES MARTINIQUE # 128